vendredi 26 octobre 2012

Journal - Arbroath



"Car, aussi longtemps que ne serait-ce que cent d'entre nous serons vivants, jamais à aucune condition nous ne serons soumis à la domination anglaise. Ce n'est en vérité ni pour la gloire, ni pour la richesse, ni pour l'honneur que nous nous battons, mais pour la liberté ; pour elle seule, que nul honnête homme n'abandonne qu'avec la vie même".
                                                                  Déclaration d’indépendance de l’Ecosse, Arbroath, 6 avril 1320

Arbroath est une toute petite étape de notre périple puisque nous y passons moins de 24h.
Egalement appelée Aberbrothock (on retrouve encore la racine « aber » commune au breton), c’est une petite ville (23 mille habitants) située dans le council area (genre de comté propre à l’Ecosse) d’Angus (ce nom parlera sans doute aux amateurs de viande de bœuf qui nous lisent).
Arbroath ne propose pas un grand panel de sites touristiques malgré son histoire très ancienne remontant jusqu’au premier siècle avant JC, avec les Pictes de l’âge du fer. Mais si la ville est connue, tout du moins au Royaume-Uni, c’est surtout pour son abbaye et ce qu’il s’y passa au 14ème siècle.

Le châtelet de l'Abbaye d'Arbroath

L’abbaye, qui sera notre seule visite à Arbroath, est aujourd’hui en ruines, ses pierres de grès rouge reposant avec contraste sur la traditionnelle pelouse-moquette vert vif. Malheureusement pour nous, la visite se fait en partie sous la pluie mais de toute manière elle commence avec les salles fermées du musée lapidaire où nous pouvons admirer à l’abri et à loisir de superbes pierres tombales, croix celtiques et pierres pictes (les fameuses). 



Nous nous promenons ensuite dans ce qui fut, à proprement parler, l’Abbaye d’Arbroath. 


Elle fut fondée en 1178 par le roi d’Ecosse William 1er, surnommé William the Lion, en hommage à son ami d’enfance, Saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbery, assassiné huit ans plus tôt dans sa propre cathédrale.

Le complexe est formé de plusieurs bâtiments construits sur soixante ans, hormis quelques ajouts ultérieurs, dont le principal est l’église, dont il ne reste que la sacristie, le transept sud  (lequel abrite la plus grand fenêtre en ogive d’Ecosse), la moitié de la partie sud de la nef, le chœur et le presbytère. On y trouve également le châtelet, la maison de l’abbé, une tour et le cimetière.



D'un côté, le cimetière

De l'autre, les fondations du monastère

Les bases de colonnes sont encore là, mais le reste a disparu

La tombe de William the Lion

Le transept sud où l'on peut voir "The round O". Cette grande fenêtre ronde était à l'époque gardée éclairée pour guider les navires sur la Brothock.

La sacristie



The round O


A l'intérieur de la maison de l'abbé


Où l'on peut voir les restes de polychromie sur les murs de la maison de l'abbé

L’abbaye est, en 1320, le théâtre d’un évènement extrêmement marquant pour l’Ecosse, la signature du traité d’Arbroath.

Le fameux traité d'Arbroath, en original s'il vous plait.

Ce traité est une déclaration d’indépendance de l’Ecosse, sous forme de trois lettres adressée au pape Jean XXII, signées respectivement par le roi Robert the Bruce, le clergé écossais et 51 nobles dont les barons d’Ecosse. Seule cette dernière, exposée dans l’abbaye d’Arbroath, a survécu au temps.  Elle a pour but de confirmer officiellement le statut du pays en tant que nation souveraine et indépendante. Elle prévient aussi de la détermination des écossais à user de la force en cas d’attaque, notamment de la part de l’Angleterre comme l’atteste le passage le plus célèbre de la déclaration cité en tête de cet article.

Cette indépendance aura duré jusqu’en 1707 lorsque tous les pouvoirs parlementaires d’Ecosse et d’Angleterre se retrouvent aux mains du parlement de Londres.

La maison de l'abbé, de l'extérieur

Le jour de Noël 1950, de facétieux étudiants indépendantistes écossais volèrent The Stone of Destiny (sur laquelle furent couronnés de nombreux rois d’Écosse, puis d'Angleterre après son vol par Edward 1er en 1296) à l'Abbaye de Westminster et firent revenir en Écosse discrètement. Après maintes péripéties où la pierre fut brisée par maladresse, puis réparée, et enfin cachée à Glasgow chez un politicien nationaliste, les anglais cessèrent de la chercher. Les écossais, plein de confiance, placèrent alors la pierre sur l'autel de l'abbaye d'Arbroath, lieu symbolique de la déclaration d'indépendance.
Mais les autorités anglaises ne l’entendirent pas de cette oreille et s'empressèrent de ramener la pierre à Westminster, peut-être effrayés par la légende assurant l'indépendance des terres d’Écosse tant que la pierre s'y trouverait.
En 1996, la couronne anglaise fit un geste en plaçant la pierre définitivement au château d’Édimbourg mais il est prévu qu'elle soit rapatriée à Westminster pour les prochains couronnements. Mais peut-être que d'ici là la légende aura dit vrai et que l’Écosse aura retrouvé son indépendance.

Un petit tour dans le cimetière avant de partir


Et sans oublier la vue depuis notre chambre

Le lendemain, nous nous dirigeons encore un peu plus vers le sud en direction de Dundee, à 27km d'Arbroath.

jeudi 11 octobre 2012

Journal - Stonehaven


« Stella Artois ? Good good Läger »
                                                  Slogan du Pondy Ponda écossais, par un mystérieux irlandais.

Quatrième jour en Ecosse, nous rejoignons, en bus, Stonehaven, une petite ville côtière de 10 000 habitants, située à une vingtaine de miles au sud d’Aberdeen.
Cette fois-ci, fini le Bed & Breakfast, nous tentons notre premier camping écossais. Immédiatement après avoir planté la tente, nous faisons la rencontre de Baz, notre voisin de parcelle, un genre de gros nounours à tête de hooligan. Nous passerons en sa compagnie nos deux soirées à Stonehaven, ainsi qu’avec d’autres campeurs dont un irlandais de qui viendra le slogan de notre voyage.




A peine installés, nous partons pour notre première visite, et pas des moindres. Après une longue marche dans la campagne, nous arrivons en vue de Dunnottar Castle, ruines d’une forteresse médiévale du 13ème siècle, bâtie à flanc de falaise, sur un piton rocheux à 50 mètres au dessus de la mer, sur les ruines d’un château calédonien de l’an 84.

Le chemin pour Dunnottar est bordé de champs de blé

Au fond, un momument érigé en souvenir des écossais tombés pendant la première guerre, que nous ne sommes pas allés voir de plus près.


Le site est entre autres célèbres pour avoir été l’un des lieux emblématiques de la résistance écossaise contre l’armée anglaise, menée par Cromwell, notamment au cours d’une bataille en 1652 qui avait pour but de récupérer les regalia d’Ecosse, à savoir l’épée, la couronne et le sceptre, aujourd’hui partie intégrante des bijoux de la couronne anglaise. Il a également joué un rôle dans la Guerre des Trois Royaumes en servant tour à tour d’abri puis de prison aux Covenantaires.
Le château est aujourd’hui en partie en ruines mais onze bâtiments sont restés plus ou moins debout dont une partie du chemin de ronde, une tour sur laquelle demeurent les stigmates des boulets de canon de Cromwell, la chapelle, les cuisines, la Drawing Room (un genre de salle de réunion), les latrines…
Le site est absolument magnifique, on y accède par un escalier, descendant jusqu’au niveau de la mer puis remontant vers le château, bordé de prés où s’ébattent les lapins.

Un lapin

Le même lapin, de profil

Deux lapins

Pas mal hein ? Attendez la suite...


La vue au nord


Et la vue au sud

Les pelouses sont, comme partout en Ecosse, d’un vert trop-beau-pour-être-naturel-mais-qui-l’est-quand-même et taillées au ciseau à moustache. De plus, le temps est largement au rendez vous et c’est sous un grand soleil que nous arpentons les coins et recoins de la forteresse.











A l'extrême ouest de la forteresse...

... il y a la mer, à perte de vue.



Après cette époustouflante visite, nous rentrons en bus jusqu’à la ville pour aller faire un tour dans le port de Old Town, la vieille ville de Stonehaven. C’est un joli petit port de pêche et de plaisance, bordé de pubs et de belles maisons. Près de l’un des quais, la Tolbooth de Stonehaven, transformée en restaurant.



Le soir nous nous régalons d’un copieux fish’n’chips local au haddock pour Valentine et d’un fried blackpudding (boudin noir frit typiquement écossais).

Alors Valentine, le poisson frit t'inspire ?

Le lendemain, direction une petite chapelle en ruines, et son cimetière, surplombant la mer, le long du green du golf de Stonehaven. Nous passons beaucoup de temps dans ce cimetière à traquer les jolies pierres tombales et à tenter d’en dénicher les « curiosités » dont une tombe maçonnique.

Pour aller à la chapelle, il est nécessaire d'emprunter cet espèce de chemin de douaniers minuscule, d'où la vue n'est pas dégueu.





Petite sieste au soleil




Ce que l'on est sensé voir sur la tombe de la photo précédente

Le reste de l’après-midi est dédié au farniente, à la dégustation de haddock fumé (excellent) et à la préparation de notre étape du lendemain : Arbroath.

Pour la petite anecdote, Stonehaven est également le lieux d’invention d’une « spécialité culinaire » écossaise des plus … folkloriques ? Le mars-frit (tout est dans le nom, je vois déjà vos artères se boucher à la seule évocation de ce concept).

Ca fait envie ? Ou pas...