mercredi 21 novembre 2012

Journal - Dundee



Dundee est une ville côtière, la quatrième plus grande ville d’écosse (143000 habitants), et se situe sur l’estuaire du Tay. Nous n’y passerons qu’une après midi et une nuit, la ville ne présentant, selon les dires, que peu d’intérêts. Abritant seulement une poignée de musées, la cité est surtout connue pour avoir été l’un des principaux ports de pêche à la baleine du Royaume-Uni. C’est également le lieu de naissance de Mary Shelley, auteure de Frankenstein, de William McGonagall, détenteur du titre de « Pire poète de l’histoire de la littérature britannique », et de David Jones, le créateur des jeux vidéos Lemmings et Grand Theft Auto. Y est enterré James Bowman Lindsay, inventeur de l’ampoule électrique et du soudage à l’arc électrique…
Ah si, c’est également la cité possédant le plus fort taux de grossesses adolescentes d’Europe, ce qui explique qu’une gamine de 16 à 18 ans sur deux que l’on croise dans la rue est soit enceinte, soit accompagnée d’un ou plusieurs gamins. La raison est à chercher du côté des critères d’attributions de logements sociaux en Grande-Bretagne, les femmes (et filles) enceintes étant absolument prioritaires.

Arrivés en bus, nous déposons nos affaires chez notre hôte du soir, Sean, chez qui nous faisons du couchsurfing, puis nous partons à la découverte de la ville.
Au programme, les McManus Galleries, The Unicorn et balade dans la ville.

Au fond, le Caird Hall, une salle de concert du Royal Scottish National Orchestra

Desperate Dan et Minnie the Minx, respectivement personnages des bandes dessinées The Dandy et The Beano, cultes chez les britanniques, nées et éditées à Dundee


Les McManus Galleries, de magnifiques bâtiments néogothiques, sont donc notre premier arrêt. Il s’agit, grosso-modo, du seul musée de la ville, abritant des collections extrêmement éclectiques allant de la peinture classique à l’art contemporain en passant par l’histoire naturelle et ses traditionnels animaux empaillés, les vitraux médiévaux, des objets égyptiens et l’histoire scientifique et industrielle de Dundee.
Nous y découvrons également une exposition temporaire, exclusive pour le jubilé de la reine, dans laquelle nous avons la chance de voir sortis des collections royales une quinzaine de dessins originaux du Maître, Léonard De Vinci. Valentine frise l’apoplexie.
Elle vous pondra un superbe article sur le musée y revenant plus en détail sur son site mais je vous mets quelques photos illustrant les lieux.



The McManus Galleries

Le hall

Quelques exemples de la faune écossaise

De gauche à droite David d'Hungtington, William Wallace et Mary Stuart Queen of Scots

Un rocher à grain sur lequel se serait reposé William Wallace alors qu'il fuyait Dundee après avoir tué le fils du gouverneur. La propriétaire du rocher lui aurait offert un verre de lait avant qu'il ne reprenne sa route.

The Pirlie Pig. Tirelire qui servait à récolter les amendes des membres du conseil de la ville qui ne s'étaient pas présentés à une réunion. On devrait peut-être s'en inspirer pour nos députés.

Guirlande moderne en bidons de lessive recyclés


Une tête réduite Jivaro

N'oublions pas que nous sommes dans une patrie de la chasse à la baleine

Sperm Whale Oil (Spermaceti en francais). Comme son nom ne l'indique pas, elle est tirée du crâne des cachalots (sperm whales en anglais)

Une autre fierté locale

A notre sortie du musée, nous en profitons pour visiter la ville, qui est très jolie malgré un temps pas nécessairement au rendez vous (en gros, ça caille grave). Encore faut-il être sensible au charme des cités industrielles britanniques sur le déclin. En effet, les trois principaux pôles de Dundee, qui l’ont amenée, jusqu’au début des années 80 à être l’une des plus riches cités d’Ecosse, étaient le jute, la marmelade (inventée à Dundee par le confiturier James Keiller) et la graisse de baleine. Trois secteurs beaucoup moins porteurs actuellement.



C’est donc au milieu de bâtiments à demi abandonnées que nos pas nous mènent aux portes du Tickety Boo's, le pub qui changea notre vision de la nourriture britannique.
C’est l’occasion pour moi de découvrir le Haggis, que nous appelons panse de brebis farcie mais qui n’est plus guère présentée sous cette forme depuis belle lurette (ou uniquement en tant qu’emballage). C’est un mélange d’abats de mouton, d’oignons, d’avoine, de graisse de mouton et de poivre. Rien de bien méchant en somme. Pour le coup, il m’est ici servi sur une patate au four et recouvert de cheddar râpé (oui, bon, j’ai dit que c’était bon, pas que c’était léger !). En un mot : Miam ! (ou Yummy ! comme disent nos cousins d’outre-manche).





Valentine, elle, penche pour un Lamb bourguignon servi dans un Giant Yorkshire Pudding. Si le Bourguignon d’agneau n’est pas une révolution pour les papilles (encore que celui là était particulièrement bon), le Yorkshire pudding est à mettre au Top3 de nos découvertes culinaires lors de notre périple en Albion (pas si perfide). Pour vous décrire ça, c’est un genre de galette levée, en forme de bol ou d’assiette, traditionnellement servie avec de la viande en sauce et du gravy (sauce à la viande et aux oignons). C’est tout con mais c’est très bon.




Une petite maison sans prétention à vendre

Après nous être bien rempli la panse de viande, de patates et de bière, nous repartons à travers la ville en direction du port. Ce dernier est célèbre pour deux choses. Premièrement c’est ici qu’a été fabriqué et qu’est entreposé le RRS Discovery, le trois mâts ayant effectué la première véritable expédition scientifique en Antarctique. Le navire est ouvert au public mais nous nous abstenons compte tenu du prix exorbitant de la visite. Nous nous rattrapons donc avec un second bateau, second intérêt du port de Dundee, The Unicorn ou, en français, La Licorne. Aucun rapport avec François de Hadoque, les frères Loiseau et Ivan Ivanovitch Sakharine. Nous avons ici affaire au HMS – His Majesty’s Ship – Unicorn, frégate britannique du début du XIXème siècle, dernier exemplaire en date et surtout l’un des derniers navires de guerre à voiles au monde encore à flots, dont seuls 10% des pièces ont été changées depuis sa construction. La visite est sympa, on peut à loisir se promener dans les différents niveaux, des ponts-batterie à la cambuse en passant par les cabines, la sainte-barbe ou les soutes.


Une copie de la figure de proue

L'un des deux pont-batteries

Il ne fallait pas faire le mariole dans la marine du 19ème siècle

La cabine des officiers






En sortant de là, nous continuons notre promenade dans la ville. Nous tentons d’accéder au Verdant Work, ancienne usine de jute, mais celle-ci est fermée, tant pis, nous nous baladons dans le quartier industriel avant de nous en retourner chez notre hôte.




Pour la soirée, nous sortons, avec Sean, le seul écossais à ne pas boire de bière et à n’avoir jamais goûté le haggis (mais il a un kilt, alors on lui pardonne), et sa compagne Annah, manger et boire un verre dans un restaurant-pub-club ultra bruyant à deux pas de chez lui. Il nous était déjà difficile de discuter avec eux compte tenu de l’accent hyper-prononcé des dundonians (parmi le pire d’Ecosse), mais avec le bruit c’est impossible. Nous migrons donc vers un pub plus classique, où Sean nous fait goûter un très bon single malt tourbé dont je n’ai malheureusement pas retenu le nom.

Sean et Annah

La soirée se termine ainsi, au pub, puis nous rentrons nous coucher car demain nous partons à St Andrews.

vendredi 26 octobre 2012

Journal - Arbroath



"Car, aussi longtemps que ne serait-ce que cent d'entre nous serons vivants, jamais à aucune condition nous ne serons soumis à la domination anglaise. Ce n'est en vérité ni pour la gloire, ni pour la richesse, ni pour l'honneur que nous nous battons, mais pour la liberté ; pour elle seule, que nul honnête homme n'abandonne qu'avec la vie même".
                                                                  Déclaration d’indépendance de l’Ecosse, Arbroath, 6 avril 1320

Arbroath est une toute petite étape de notre périple puisque nous y passons moins de 24h.
Egalement appelée Aberbrothock (on retrouve encore la racine « aber » commune au breton), c’est une petite ville (23 mille habitants) située dans le council area (genre de comté propre à l’Ecosse) d’Angus (ce nom parlera sans doute aux amateurs de viande de bœuf qui nous lisent).
Arbroath ne propose pas un grand panel de sites touristiques malgré son histoire très ancienne remontant jusqu’au premier siècle avant JC, avec les Pictes de l’âge du fer. Mais si la ville est connue, tout du moins au Royaume-Uni, c’est surtout pour son abbaye et ce qu’il s’y passa au 14ème siècle.

Le châtelet de l'Abbaye d'Arbroath

L’abbaye, qui sera notre seule visite à Arbroath, est aujourd’hui en ruines, ses pierres de grès rouge reposant avec contraste sur la traditionnelle pelouse-moquette vert vif. Malheureusement pour nous, la visite se fait en partie sous la pluie mais de toute manière elle commence avec les salles fermées du musée lapidaire où nous pouvons admirer à l’abri et à loisir de superbes pierres tombales, croix celtiques et pierres pictes (les fameuses). 



Nous nous promenons ensuite dans ce qui fut, à proprement parler, l’Abbaye d’Arbroath. 


Elle fut fondée en 1178 par le roi d’Ecosse William 1er, surnommé William the Lion, en hommage à son ami d’enfance, Saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbery, assassiné huit ans plus tôt dans sa propre cathédrale.

Le complexe est formé de plusieurs bâtiments construits sur soixante ans, hormis quelques ajouts ultérieurs, dont le principal est l’église, dont il ne reste que la sacristie, le transept sud  (lequel abrite la plus grand fenêtre en ogive d’Ecosse), la moitié de la partie sud de la nef, le chœur et le presbytère. On y trouve également le châtelet, la maison de l’abbé, une tour et le cimetière.



D'un côté, le cimetière

De l'autre, les fondations du monastère

Les bases de colonnes sont encore là, mais le reste a disparu

La tombe de William the Lion

Le transept sud où l'on peut voir "The round O". Cette grande fenêtre ronde était à l'époque gardée éclairée pour guider les navires sur la Brothock.

La sacristie



The round O


A l'intérieur de la maison de l'abbé


Où l'on peut voir les restes de polychromie sur les murs de la maison de l'abbé

L’abbaye est, en 1320, le théâtre d’un évènement extrêmement marquant pour l’Ecosse, la signature du traité d’Arbroath.

Le fameux traité d'Arbroath, en original s'il vous plait.

Ce traité est une déclaration d’indépendance de l’Ecosse, sous forme de trois lettres adressée au pape Jean XXII, signées respectivement par le roi Robert the Bruce, le clergé écossais et 51 nobles dont les barons d’Ecosse. Seule cette dernière, exposée dans l’abbaye d’Arbroath, a survécu au temps.  Elle a pour but de confirmer officiellement le statut du pays en tant que nation souveraine et indépendante. Elle prévient aussi de la détermination des écossais à user de la force en cas d’attaque, notamment de la part de l’Angleterre comme l’atteste le passage le plus célèbre de la déclaration cité en tête de cet article.

Cette indépendance aura duré jusqu’en 1707 lorsque tous les pouvoirs parlementaires d’Ecosse et d’Angleterre se retrouvent aux mains du parlement de Londres.

La maison de l'abbé, de l'extérieur

Le jour de Noël 1950, de facétieux étudiants indépendantistes écossais volèrent The Stone of Destiny (sur laquelle furent couronnés de nombreux rois d’Écosse, puis d'Angleterre après son vol par Edward 1er en 1296) à l'Abbaye de Westminster et firent revenir en Écosse discrètement. Après maintes péripéties où la pierre fut brisée par maladresse, puis réparée, et enfin cachée à Glasgow chez un politicien nationaliste, les anglais cessèrent de la chercher. Les écossais, plein de confiance, placèrent alors la pierre sur l'autel de l'abbaye d'Arbroath, lieu symbolique de la déclaration d'indépendance.
Mais les autorités anglaises ne l’entendirent pas de cette oreille et s'empressèrent de ramener la pierre à Westminster, peut-être effrayés par la légende assurant l'indépendance des terres d’Écosse tant que la pierre s'y trouverait.
En 1996, la couronne anglaise fit un geste en plaçant la pierre définitivement au château d’Édimbourg mais il est prévu qu'elle soit rapatriée à Westminster pour les prochains couronnements. Mais peut-être que d'ici là la légende aura dit vrai et que l’Écosse aura retrouvé son indépendance.

Un petit tour dans le cimetière avant de partir


Et sans oublier la vue depuis notre chambre

Le lendemain, nous nous dirigeons encore un peu plus vers le sud en direction de Dundee, à 27km d'Arbroath.